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carol labavarde
18 août 2013

CONGO-BRAZZAVILLE Réaction du Collectif des

CONGO-BRAZZAVILLE

Réaction du Collectif des partis de l’opposition congolaise au discours du président   Denis Sassou Nguesso sur l’état de la nation en 2013

A l’occasion du 53ème anniversaire de l’indépendance du Congo dont la situation est marquée par une gravissime crise multidimensionnelle (crise de confiance, crise de transparence, crise morale, crise  politique, crise électorale, crise  sociale, crise économique), le peuple attendait du chef de l’Etat, un signal très fort dans les domaines politique, économique et social.

Il attendait tout particulièrement que le président de la République dise haut et fort qu’à la fin de son deuxième et dernier mandat, le 14 aout 2016, il ne briguera pas de troisième mandat, il ne modifiera pas ou ne changera pas la Constitution du 20 janvier 2002, et qu’il promouvra les conditions permissives d’une alternance pacifique, ainsi que les conditions d’élections libres, transparentes, équitables et crédibles en 2013 et en 2016.

Au lieu de cela, il a, comme à son habitude, fait dans l’autosatisfaction et la glorification du bilan calamiteux de sa gestion. Son discours a été porté de bout en bout par un déni de réalités et des contre-vérités indignes de sa fonction, comme nous le montrons dans les lignes qui suivent.

2.1 A propos de la croissance et des performances économiques du Congo 

Le président de la République a affirmé que la Banque Mondiale a placé le Congo dans les 10 pays à économies performantes et parmi les 10 pays africains appelés à l’émergence. S’il est vrai que depuis 2003, du fait de la bonne tenue du cours du baril de pétrole sur le marché international et de l’accroissement de la production pétrolière, le Congo a connu un taux de croissance moyen annuel de 5%, il importe cependant de souligner avec force que la croissance congolaise est une croissance creuse et que le taux de croissance flatteur brandi par le président de la République n’a aucun impact sur la vie quotidienne du Congolais, en même temps qu’il reste inférieur aux 8% minimum de taux exigé pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)  et entamer la réduction de la pauvreté.

En effet, les  énormes revenus générés par le pétrole congolais ne ruissellent pas dans toute la société. Ils vont plutôt dans les poches des tenants du pouvoir et tout particulièrement dans les poches des membres de la famille régnante, devenus du jour au lendemain immensément riches et qui mènent un train de vie scandaleux au regard de la misère sans nom des 70% de Congolais qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 1.000 FCFA par jour. De même, cette croissance n’a pas d’impact sur le développement des secteurs économiques hors pétrole et ne génère pas d’emplois pour les Congolais en général, les jeunes en particulier dont le taux de chômage est évalué à 70%, contrairement aux affirmations du président de la République selon lesquelles, le chômage a décru de 19,4% en 2005 à 6,9% en 2011.

2.2.  A Propos de l’émergence en 2025 

Rappelons d’abord que la notion d’émergence est un concept forgé en 1981 par Antoine van AGTMAEL, un spécialiste des marchés financiers qui cherchait à attirer les investissements sur les marchés des pays en voie de développement à travers, notamment la création d’un fonds dénommé « Third Word Equity ». Le concept a été par la suite consacré par le groupe de la Banque Mondiale pour désigner des pays qui comme le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du sud (BRICS) sont sortis de façon accélérée de la pauvreté et sont entrés en transition rapide vers le développement, bref des pays qui sont en cours d’industrialisation rapide, enregistrant des taux de croissance élevés et présentant des opportunités de placement.

Les critères pour atteindre l’émergence sont très variés. À titre illustratif on peut retenir entre autres :

1-    La rapidité du processus d’industrialisation ;

2-    La croissance des agrégats macro-économiques, la taille du marché et de ses entreprises ;

3-    L’identification de l’origine nationale des 100 plus grandes entreprises (le BCG100) qui ne sont pas des filiales des multinationales des pays développés et dont le chiffre d’affaires (CA) dépasse un milliard de dollars (1 milliard de $)  dont au moins 10% à l’exportation ;

4-    La part des exportations et leur diversification sur les marchés des pays industrialisés, notamment pour les produits à haute technologie ;

5-    Le montant des réserves en devises ;

6-    Un taux de PIB/Hab. supérieur à la moyenne mondiale et à celle des pays les plus riches, voisin de 8% ;

7-    Le degré de liquidité de l’économie ;

8-    Le niveau de la corruption ;

9-    La capitalisation boursière, etc.

A partir de ces critères, on peut se poser la question de savoir comment un pays comme le Congo qui n’a pas d’industrie et qui est aujourd’hui incapable de fournir à sa population de l’eau potable, de l’électricité, des emplois, une éducation et des soins de santé de qualité, des logements décents, bref une vie digne,  peut-il se  targuer de prétendre à l’émergence en 2025 ?

Comment peut-il accéder à l’émergence en 2025 alors qu’il est incapable aujourd’hui d’atteindre les OMD qu’il s’est engagé à honorer et dont la date butoir de réalisation est fixée à 2015, c'est-à-dire dans deux ans?

Comme on peut le constater, en faisant du battage médiatique sur le concept d’émergence, le pouvoir cherche à masquer son incapacité à résoudre les problèmes du quotidien des Congolais, par une fuite en avant dans un futur lointain. A moins qu’il ne s’agisse d’une méconnaissance des conditions d’émergence d’une nation. Pourtant, au cours du dernier forum du magazine Forbes, tenu à Brazzaville le 23 juillet 2013, d’éminentes personnalités internationales ont rappelé ces conditions. Ce qui aurait pu inspirer le président de la République dans son propos, lui qui a pris part à ce forum.

2.3. A propos de la transparence dans la gestion des revenus pétroliers 

Ici, le président de la République a indiqué que « les revenus pétroliers du Congo étaient gérés dans une totale transparence. » A l’appui de sa démonstration, il a évoqué la conformité de la gestion des revenus pétroliers du Congo aux normes de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE). Les faits apportent un cinglant démenti à ces affirmations du chef de l’Etat.

Pour rappel, en 2010, la SNPC a vendu à la société de négoce pétrolier, GUNVOR dont le siège est installé à Genève en Suisse, 18 cargaisons, soit 18 000 000 de barils de pétrole de l’Etat congolais, pour un montant de plus de 1 000 milliards de francs CFA. La transaction a donné lieu à des opérations financières jugées suspectes par l’Etat helvétique qui a bloqué les comptes privés appartenant à des proches du pouvoir congolais, comptes dans lesquels le produit de la vente des 18 cargaisons, ainsi que les commissions subséquentes ont été versées.  L’Etat suisse a par ailleurs porté plainte contre X pour blanchiment d’argent. Or, depuis 2010, les 1000 milliards de FCFA, produit de la vente des 18 cargaisons, n’apparaissent pas dans les comptes budgétaires exercices 2010, 2011, 2012, ni dans ceux de l’exercice 2013. Où est donc la transparence dans cette affaire ? Que sont devenus aujourd’hui les 1000 milliards de  FCFA, propriété de l’Etat congolais ? Rappelons encore que les deux cargaisons, réputées disparues en 2005, n’ont jamais été retrouvées. Là encore, où est la transparence ?

Par ailleurs, le contrat signé entre l’Etat et la SNPC dispose que cette dernière a l’obligation de reverser au trésor public congolais trois jours après leur encaissement, les fonds générés par la vente de la part de pétrole revenant à l’Etat congolais, au titre du contrat de partage de production. Or, la SNPC ne respecte pas les termes de cet accord et ne verse pas les encaissements au trésor public. L’argent est gardé dans des banques étrangères en Chine, à Singapour, à Hong-Kong, au Brésil, à l’île Maurice, en Autriche, à Beyrouth, aux Iles vierges, etc. Les intérêts de ces placements ne sont jamais reversés au trésor public congolais. Où est donc la transparence « totale » dans la gestion des revenus pétroliers ?

Dans le même ordre d’idées, depuis 2002, il avait été décidé que les excédents budgétaires devraient être logés dans un compte de stabilisation ouvert dans les écritures de la BEAC. En 2006, le président de la République a pris l’engagement de faire auditer chaque année ce compte de stabilisation par la Cour des comptes et de discipline budgétaire. Depuis 2003, le budget de l’Etat dégage des excédents dont la moyenne annuelle est de 1200 milliards de FCFA. De 2003 à ce jour, le solde de ce compte devrait s’élever à 1200 x 10, soit 12 000 milliards de FCFA d’excédents, somme qui devrait être reportée chaque année pour mémoire dans le cadre budgétaire et non pas les 500 milliards annoncés par le président de la République dans son message sur l’état de la Nation. Or, 12 000 milliards – 500 milliards font 11.500 milliards que « la transparence totale » du chef de l’Etat ne fait pas apparaître dans les comptes de l’Etat. 

En 2012, la position de ce compte à la Banque Centrale était à moins de 1 000 milliards de FCFA. Où est le reliquat de 11 000 milliards de FCFA ? A la date du vendredi 16 août 2013, nous avons constaté que l’ensemble des comptes de l’Etat à la Banque Centrale présentent un solde cumulé inférieur à 1400 milliards de FCFA. De plus, le solde de ce compte  n’a jamais fait l’objet d’une communication au parlement lors des débats budgétaires, malgré les demandes insistantes des parlementaires. De même, l’audit du compte de stabilisation des excédents budgétaires promis par le président de la République n’a jamais été réalisé une seule fois.

Plus grave, au mois de juillet 2013, les comptes de l’Etat ont fait apparaître un décaissement de l’ordre de 400 milliards de FCFA au titre des investissements. Une question grave se pose : quels sont les investissements qui ont été réalisés au cours du seul mois de juillet dernier avec cette somme colossale ? Sur quelle ligne budgétaire a-t-on défalqué ces 400 milliards de FCFA ? Ceci n’est pas pour nous surprendre car les énormes sommes décaissées pour les municipalisations accélérées de 2004 à 2013, n’ont jamais fait l’objet d’inscription budgétaire à hauteur des décaissements effectués (525 milliards de FCFA pour le Pool, 455 milliards pour les Plateaux, etc.).

Qu’en est-il du compte PPTE que le président de la République a brillamment omis d’évoquer, compte pour lequel les créanciers internationaux du Congo ont abandonné leurs créances, pour booster le développement et la lutte contre la pauvreté au Congo. La « transparence » dont parle le président de la République, en se référant aux normes de l’ITIE, relève du mirage et de la mystification.

Le Collectif des partis de l’opposition exige non seulement la réalisation d’un audit sur l’utilisation des 400 milliards de FCFA décaissés en juillet 2013, mais encore et surtout plus de transparence sur toutes ces évocations à caractère sulfureux.

2.4. A propos du social

Le président de la République a égrené une longue liste de ce qu’il a appelé « les avancées sociales substantielles » et a affirmé que « la pauvreté et le chômage avaient reculé ». Par quel miracle la pauvreté aurait-elle reculé quand on sait que le pouvoir d’achat des populations en général, des fonctionnaires en particulier, n’a fait que baisser au regard de la modicité des revenus et du coût élevé de la vie ?

Dans les marchés, les prix des biens de première nécessité ont augmenté à un rythme vertigineux et ce ne sont pas les ménagères qui le démentiront.  Les salaires des fonctionnaires, les bourses des étudiants, les pensions des retraités n’ont pas été revalorisés. Le président de la République ne confond-il pas la situation sociale de la majorité des Congolais avec celle des dignitaires de son régime ? Rappelons que les ministres d’Etat ont vu leur salaire mensuel porté à 15 000 000 de FCFA et les ministres simples à 11 000 000 de FCFA, sans compter les multiples et divers avantages en nature.

Le président de la République a aussi parlé des gratuités dont jouiraient les Congolais en matière d’éducation et de santé. Dans quelle école publique au Congo y a-t-il gratuité de manuels scolaires, comme le donne à entendre le président de la République ? Dans quelle formation sanitaire publique y a-t-il gratuité des soins pour les enfants âgés de 0 à 15 ans et les femmes enceintes, malades du paludisme ou bien accouchant par césarienne ?

Le président de la République ne parle-t-il pas d’un pays autre que le Congo ? Vit-il dans le même pays que les Congolais d’en bas ? Quelles entreprises ont été créées en 2013 et qui auraient embauché les Congolais pour faire baisser le chômage à 6% ? S’est-il soucié de savoir comment les nombreux diplômés sans emploi, les nombreux jeunes oisifs ont reçu son message selon lequel le chômage aurait baissé ?

S’agissant de l’enseignement, l’année 2013 a été déclarée année de l’enseignement : qu’est-ce qui a été fait pour l’enseignement en 2013 ? Rien. Absolument rien, comme du reste pour la santé en 2012. La grève des enseignants, qui a paralysé l’école publique pendant deux mois, en est une éclatante illustration.

2.5. A propos de la jouissance totale des libertés et de la séparation des pouvoirs 

Le président de la République a proclamé que « le Congo est un pays des libertés, de toutes les libertés ». Il a ajouté que « la jouissance totale des libertés, la séparation des pouvoirs et l’organisation des élections à échéances régulières, sont la preuve que la démocratie est bien en marche au Congo ». De quelle liberté le président de la République parle-t-il, lorsque l’accès aux médias publics est fermé aux partis politiques de la vraie opposition, lorsque les activités de cette dernière sont constamment interdites, lorsque certains de ses dirigeants sont arrêtés et emprisonnés arbitrairement ou interdits de sortir du territoire, lorsque l’accès aux espaces publics des réunions est refusé aux partis de la vraie opposition, lorsque la presse indépendante est muselée ? 

De quelle liberté le président de la République parle-t-il, lorsque les arrestations et les emprisonnements arbitraires sont monnaie courante, lorsque les lois de la République en matière de garde à vue et de détention préventive sont allègrement violées ? De quelle liberté parle-t-il lorsque la torture physique, morale et psychologique est érigée en méthode de gouvernement et est pratiquée de façon inhumaine et cruelle dans les geôles de la Direction Générale de la Surveillance du Territoire (DGST), les commissariats de police et les prisons du Congo ? Ceci est inacceptable. Dans tous les cas, l’opposition congolaise se propose de se constituer partie civile auprès des juridictions internationales pour tous les cas de torture, pour que cette pratique prenne fin dans notre pays.

De quelle séparation des pouvoirs le président parle-t-il, lorsque  les magistrats du parquet dépendent du pouvoir exécutif ? En effet, au Congo, les magistrats du parquet sont nommés en Conseil des ministres et sont placés sous l’autorité hiérarchique du Garde des Sceaux, alors que le pouvoir judiciaire est censé être un pouvoir indépendant du pouvoir exécutif. De quelle séparation des pouvoirs le président de la République parle-t-il lorsque lui-même, chef du pouvoir exécutif, est en même temps, président du Conseil supérieur de la magistrature et que le ministre de la justice, Garde des Sceaux en est membre de droit ?

Sur la question du dialogue, point nodal du combat actuel de l’opposition congolaise, le Collectif  réitère ici son attachement au dialogue, au vrai dialogue et dit non aux simulacres de concertations imposées par le pouvoir, concertations par lesquelles le président de la République s’ingénie à imposer  par la corruption et la ruse, ses points de vue dans le sinistre dessein de perpétuer le système mafieux qui gangrène toutes les sphères de la vie de la nation.

Depuis sa création, le Collectif ne cesse d’inviter le président de la République à convoquer un véritable dialogue citoyen, avec les forces vives de la nation. Si, comme il l’a déclaré dans son discours du 12 août dernier, le président de la République est pour un vrai dialogue citoyen, alors le Collectif l’invite une fois encore à convoquer les Etats Généraux de la Nation, unique instance capable de définir de façon consensuelle, les nouvelles règles de la gouvernance politique, électorale, économique, sociale et culturelle. Ceci crédibiliserait le président de la République qui sollicite avec insistance la possibilité d’être médiateur dans la crise politique en RDC et ailleurs en Afrique, alors qu’il refuse systématiquement le dialogue avec la vraie opposition dans son propre pays. Le Collectif rappelle au président de la République qu’il est toujours bon de voler au secours d’un voisin quand sa maison brûle, mais qu’il est tout aussi impératif de balayer devant sa porte et d’éteindre le feu qui brûle le toit de sa propre maison.

Vive la Démocratie !

Vive le Congo !

En avant pour un dialogue inclusif et constructif au Congo.

Fait à Brazzaville le 17 aout 2013

Le Collège des Présidents du Collectif des Partis de l’Opposition Congolaise

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carol labavarde
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